Une initiative que l’on voudrait porteuse d’espoir


Dans les années 90, les Américains ont développé au Proche et au Moyen Orient une politique qui a largement contribué à déstabiliser l’ensemble de la région.


Les fautes répétées des Etats-Unis


Après la première guerre du Golfe, leur entêtement à vouloir éliminer le régime de Saddam Hussein les a conduits à inventer la fable des armes de destruction massive et à envahir l’Iraq, en 2003, en dehors de toute résolution des Nations-Unies. Les luttes religieuses sans frein et l’esprit de vengeance ont alors contribué au développement de l’Etat islamique (EI). En Syrie, ignorant l’extrême enchevêtrement de peuples et de religions d’un pays « mosaïque », ils ont encouragé, sans véritable analyse, des mouvements de révolte, certes d’inspiration démocratique, mais qui furent rapidement débordés par les mouvements islamistes et par l’EI. Le président Obama renonça, par la suite, à imposer au président syrien Bachar El Assad, le respect des « lignes rouges » qu’il avait lui-même fixées. Alors que les accords d’Oslo de 1993 permettaient d’envisager une évolution pacifique et constructive du conflit israélo-palestinien, les Etats-Unis n’ont rien fait pour arrêter le processus de colonisation sans cesse amplifié par Israël. Aujourd’hui, M. Biden rétablit l’aide aux camps de réfugiés palestiniens gérés par les Nations Unies –l’UNRWA- mais il n’a toujours pas remis en question l’annexion de la vallée du Jourdain prévue par le plan Trump.
Alors qu’un accord international avait été conclu en 2015 sur le nucléaire iranien, c’est le président Trump qui le remit en cause, menaçant en outre les Européens de sanctions unilatérales s’ils continuaient à respecter leurs engagements. Après être intervenus en Afghanistan pour chasser les Talibans –qu’ils avaient à l’origine soutenus- après les attentats du 11 septembre 2001, ils se sont retirés en laissant le pays à ces derniers, sans aucune garantie pour ses habitants, sans concertation avec leurs alliés et dans une précipitation qui ne peut que les décrédibiliser aux yeux de tous.


Le machiavélisme patient de la Russie

Profondément marquée par sa propre expérience afghane des années 80, au cours de laquelle elle a perdu plus de 25 000 hommes, la Russie n’en a pas moins cherché à asseoir sa présence dans la région en jouant, à l’inverse des Américains, la stabilité des régimes en place. Elle poursuit ainsi sa vieille ambition d’atteindre les mers du Sud –Méditerranée et Océan Indien- tout en essayant de préserver son propre territoire des mouvements islamistes. Sous couvert de lutte contre l’Etat islamique, elle a ainsi largement soutenu Bachar El Assad, montrant que les méthodes et les crimes de ses alliés lui étaient profondément indifférents. Elle est venue régulièrement contrecarrer les ambitions de la Turquie, lorsque celle-ci lui paraissait menacer sa propre zone d’influence.

Une initiative qu’il faut maintenant élargir

Après la prise de position courageuse de Jacques Chirac et le discours aux Nations-Unies de son ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, condamnant l’intervention américaine en Iraq, la France et au-delà d’elle, l’ensemble des Européens ont pris, peu à peu, l’habitude, de s’aligner sur les positions américaines.
Aussi, la participation du président Emmanuel Macron au récent sommet des «voisins de l’Iraq », le 28 août dernier, à Bagdad, dont il revendique avoir partagé l’organisation avec le Premier ministre iraquien, Mustapha al-Kazimi, marque-t-elle un changement d’attitude intéressant.
L’Iraq, encore profondément meurtri, s’efforce de compenser sa faiblesse par une intense activité diplomatique. L’Arabie Saoudite, l’Iran, la Jordanie, l’Egypte, la Turquie participaient à cette rencontre.
Le président français, seul chef d’Etat occidental présent, a, bien sûr, mis l’accent sur les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme, qui restent plus que jamais d’actualité. Mais il a également évoqué la « complexité » des pays de cette région et montré sa volonté de dialoguer avec l’ensemble des parties. Il a ainsi momentanément renoué avec ce qui faisait jadis la force de la diplomatie française dans cette partie du monde : une connaissance aigüe des hommes et des peuples, et le souci constant de soutenir les plus faibles tout en favorisant des solutions durables avec l’ensemble des acteurs.
Il faut maintenant souhaiter que cette initiative ne reste pas sans suite et que nos partenaires européens –dont l’Union européenne elle-même en la personne du haut représentant pour les Affaires étrangères, Joseph Borrell- sachent s’y associer. Les lignes d’actions d’un renouveau politique de la France et de l’Europe dans cette région du monde sont en effet multiples et exigeantes : contribuer efficacement à la reconstruction de l’Iraq, réaffirmer notre engagement en faveur d’un Etat palestinien cohérent et viable, revenir aussi rapidement que possible à l’essentiel de l’accord sur le nucléaire iranien –sans céder aux surenchères israéliennes et saoudiennes-, tenter, sans concessions, de maintenir un échange avec les Talibans et enfin, même si cela nous est pénible, reprendre un minimum de dialogue avec la Syrie –car la solution de la crise du Liban qui, outre les réfugiés palestiniens, accueille 1,2 millions de réfugiés syriens, passera très largement par un accord régional global.
Espérons que l’initiative de Bagdad ne soit pas qu’un positionnement de circonstance mais qu’elle permettra à la France et à l’Europe d’être à nouveau porteuses d’espoir.