Changement climatique et referendum

Inondations en France

Tel qu’il est prévu par la Constitution, le referendum est une procédure exceptionnelle, lourde d’engagement pour ceux qui y recourent comme pour ceux qui se prononcent et qui ne peut être normalement mise en œuvre que sur des choix graves et, si possible, sur des questions claires.

Le général de Gaulle, qui l’a introduit dans la Constitution, comme l’un des modes privilégiés d’expression du suffrage universel direct et comme un signe de la primauté de ce dernier, l’a utilisé pour obtenir l’appui des Français à sa politique algérienne face aux réticences de l’Assemblée Nationale. Il en a fait, en 1969, l’arbitre des réformes qu’il voulait mettre en œuvre au lendemain des évènements de mai 1968. La complexité du texte proposé et l’accumulation des oppositions et des calculs politiciens ont conduit à son rejet et au départ immédiat du Général, scrupuleusement respectueux des choix du peuple français.

Le referendum a été ensuite utilisé lors de certains rendez-vous de la construction européenne : l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne en 1972, l’adoption du traité de Maastricht instituant la monnaie unique en 1992, le traité constitutionnel de 2005 –texte trop confus qui fut rejeté. Il a enfin accompagné certaines réformes institutionnelles : la réforme du statut de la Nouvelle-Calédonie en 1988, le passage au quinquennat en 2000.

Une démarche qui n’était pas à la hauteur de l’ambition

Depuis l’échec de 2005, la procédure du referendum a été laissée de côté par des dirigeants qui ne voulaient pas prendre de risque ou qui considéraient que son image était désormais brouillée dans l’esprit des Français. Y recourir de nouveau à propos du changement climatique était sans nul doute une bonne idée, une façon efficace aussi de responsabiliser les Français sur ce sujet désormais primordial. Les conditions dans lesquelles la procédure a été engagée n’ont malheureusement pas été à la hauteur de l’ambition.

D’abord, parce que ce projet venait après une expérience particulièrement décevante, celle de la Convention Citoyenne pour le Climat, constituée de citoyens tirés au sort –expérience annoncée à grand renfort de communication et qui n’était sans doute pas dénuée d’intérêt-, mais dont les conclusions furent ensuite, pour une large part, écartées par le Président de la République lui-même. Le referendum apparaissait dans ces conditions comme une tentative de repêchage ou comme une façon de faire oublier cet épisode peu glorieux.

Ensuite, parce que la procédure choisie, celle d’une proposition venue de l’Assemblée Nationale, permettait à l’Exécutif de ne pas s’engager excessivement –ce qui n’est pas vraiment l’esprit de la Vème République- mais soumettait aussi le texte à tous les aléas d’une navette qui ne peut alors aboutir que par un accord intégral entre les deux assemblées.

Enfin, parce que le texte lui-même, qui faisait référence à la « préservation de l’environnement et de la diversité biologique » et à la « lutte contre le dérèglement climatique », était d’une portée extrêmement limitée et faisait même aux yeux de beaucoup de juristes, double emploi avec la charte de l’Environnement introduite, en 2004, dans la Constitution à l’initiative de Jacques Chirac. La faiblesse, et pour tout dire l’inutilité du projet, ressortaient d’autant plus que des décisions de justice significatives ont commencé à prendre appui sur les accords de Paris et sur ses objectifs –au demeurant limités-, sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Un instrument qui doit être mobilisateur

La question du changement climatique ne peut plus aujourd’hui se limiter à des phraséologies vagues et à des discours politiques de circonstance. Nous sommes à l’heure des décisions et devant l’exigence de choix précis. En ce domaine, l’expression la plus claire de la détermination politique est le choix du taux de réduction des rejets de carbone dans l’atmosphère et des mesures qui permettent de l’atteindre -questions qui sont aujourd’hui au cœur des discussions avec nos partenaires européens. Proposer une réduction réellement volontariste, engager autour de cet objectif un débat mobilisateur et demander aux Français un choix pleinement responsable, avant ou après la négociation européenne, voilà quel pourrait être l’objet d’un referendum ayant une véritable portée.

Il est urgent que, laissant de côté les manœuvres politiciennes, cette démarche soit reprise avec la hauteur et avec la détermination nécessaires.